Cattle and Cattle-breeders by William M'Combie (best ereader for manga .txt) 📕
- Author: William M'Combie
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Nous avons bien fait de ne pas différer notre voyage: notre première nuit, à Vénise, a été affreuse, accompagnée d'orage et de pluie: les vitres de notre chambre ont été brisées par la tourmente, et notre malle s'étant trouvée ouverte, plusieurs de nos vêtements ont été endommagés.
Le flux et le reflux, ou l'intumescence et la détumescence, ne sont pas sensibles dans la Méditerranée et l'Adriatique, en raison des espaces étroits, de l'exiguïté de ces mers et de leurs bassins; ici, que l'Adriatique a plus d'extension et subit un plus grand épanouissement, l'influence lunaire, qui soumet l'immensité des mers à ses phases, reprend son empire, et rend très-perceptible la marée. Peut-on douter que la lune n'en soit le vrai mobile, quand la mer, au moment des quartiers lunaires, fait si subitement mouvoir ses flots pour rompre l'équilibre de l'air, et provoquer ainsi les vents, les tempêtes, les orages; quand surtout les volcans viennent exciter des dilations et provoquent l'action du fluide électrique.
Le lendemain, le temps étant redevenu beau, nous nous livrons à la promenade; à Vénise, les chevaux et les équipages sont inconnus et frappés de nullité: ce serait une merveille pour beaucoup d'habitants qui n'en ont jamais vus; ils croiraient, ainsi que les peuples de Montézuma, voir Mars, Vulcain et des divinités hostiles.
Nous allâmes visiter le Palais Manfrili, qui contient de riches collections de peintures des premiers maîtres, des plus célèbres coloristes, du Titien, du Tintoret, du Veronèse. L'Arche de Noé s'y présente d'une manière fort curieuse. Raphaël seul a étendu le domaine de la peinture jusqu'au monde spirituel; la pierre de son sépulcre nous a refermé le chemin de l'infini, que ce noble et pur génie nous avait ouvert. L'Adonis et la Vénus du Titien sont surprenants. On ne peut quitter ce tableau sans se sentir pénétré d'une volupté plus vive que le plaisir des arts; ce n'est rien de céleste, c'est la terre dans ce qu'elle a de plus séduisant. Salvator Rosa, de Naples, qui a si souvent secouru l'intéressant Léontio; sa soeur Stellina a enrichi la peinture de tableaux du plus beau coloris. Ces grands peintres furent les créateurs de leur génie. Il y a une salle de danse magnifique ornée d'une très-riche tribune: dans les palais, au lieu de parquets, ce sont des mosaïques nuancées des plus riches couleurs, faites avec du plâtre délayé, à demi-sec, sur lequel on pose des fragments de marbre de diverses couleurs, arrangés avec symétrie, de manière à représenter des êtres animés, des paysages, des batailles; puis, avec une demoiselle svelte et légère, on bat solidement pour bien fixer ces fractions de marbre dans le plâtre: on donne ensuite un brillant poli avec la pierre ponce à ces couleurs marbrées, enfin on coule de l'huile chaude sur ces compositions qui remplacent si richement et avec tant de luxe les parquets.
Les Vénitiens et les Italiens sont amateurs de tabac qu'ils aromatisent et qu'ils fument, tantôt dans une pipe élégante, tantôt sous la forme du modeste cigaro.
Nous avons été visiter plusieurs églises; entr'autres Saint-Paul, Saint-Salvator, Notre-Dame-des-Frères, où sont les tombeaux de Canova, du Titien, d'Ucella, qui a surpassé Zeuxis et Apelles, et de la famille de Piscoï. Le fameux Canova était né dans le village de Possagno, aux pieds des Alpes; son père était un tailleur de pierres; Canova ne rougissait point de sa naissance, comme Jean-Baptiste Rousseau, fils d'un cordonnier; il savait que le plus grand mérite d'un homme était de ne devoir son avenir qu'à lui seul, plutôt qu'à une longue généalogie d'aïeux. Le jeune manoeuvre Canova, formé aux rudes travaux, ne savait pas qu'en coupant un quartier de marbre, il ferait sortir de sa main les Dieux de l'Olympe, qui procureraient l'immortalité à son ciseau.
Le Palais Carnoco est en face de l'Académie des Beaux-Arts; celui de l'Académie a une galerie de tableaux magnifiques du Veronèse, du Tintoret; nous sommes surpassés par la beauté et la vivacité des couleurs: nous sommes en arrière et nous ne pouvons plus que glaner sous le rapport de la peinture, de la sculpture, de l'architecture et des beaux-arts.
Notre-Dame-de-la-Sainteté, en face de notre hôtel de l'Europe, est un petit séminaire; dans l'île voisine, est l'église Saint-Georges-Majeur, d'où l'on découvre au milieu des eaux la plus belle vue de la magique Vénise. Sur le canal Grande, le bruit des cloches de tant d'églises fait un merveilleux effet.
Dans l'église de Saint-Jean et de Saint-Paul, les corps de seize Doges reposent dans des tombeaux magnifiques, et la peau du fameux Antoine Bragodin, qui fut écorché par Mustapha, général de l'armée des Turcs.
Le Grand-Opéra a été la proie d'un incendie, on s'occupe à le réparer; il y a huit théâtres. La mer passe dessous l'édifice de la quarantaine, soutenu par des poteaux.
Plus loin, nous continuons nos investigations avec la fragile gondole disposée intérieurement comme une voiture; au devant de la gondole, est une espèce de scie d'acier qui brille au clair de la lune comme les dents embrasées des dragons de l'Arioste. Nous arrivons chez les Religieux Arméniens, dans l'île de Saint-Lazare: un jeune Frère, avec sa longue et majestueuse barbe, sa figure douce et belle, vient, avec une vanité monacale, nous faire admirer leur belle imprimerie, leur église, leur bibliothèque et leur cabinet de physique.
Les montagnes qui entourent Vénise sont couvertes de neige; en revenant nous allons visiter l'hospice des fous, situé sur l'île Sancervillio. L'église dans l'île de Torquelo, est bâtie sur les débris d'un temple d'Aquilée: la coupole est couverte de mosaïques exécutées grossièrement par des artistes grecs: c'est de là qu'est venu l'art de la mosaïque en Italie.
La nuit, on s'imagine voir, dans le reflet des lumières des gondoles, des colonnes de feu et des cascades d'étincelles qui s'enfoncent à perte de vue dans une grotte de cristal. Les gondoliers portent une veste de nankin; ils lancent leurs esquifs comme une flèche, avec toute l'aisance d'un enfant de l'Adriatique. Les huîtres se collent dans la mousse, aux pieds des palais. On pêche, en pleine rue, de quoi nourrir la population; les gondoles coulent entre deux tapis de verdure, où le bruit de l'eau vient s'amortir languissamment avec l'écume du sillage.
À tous les coins de rue, la Madone abrite sa petite tête sous un dais de jasmin, et les traguetti, ombragés de grandes treilles, répandent le long du canal le parfum de la vigne en fleur: ces traguetti sont les places de station pour les gondoles publiques.
Les gondoliers et les faquins se postent devant une Madone; ils ont un air mystérieux comme s'ils songeaient à commettre un assassinat, mais ils chantent en choeur des airs tirés d'opéras; tantôt c'est une cavatine de Bellini, un choeur de Rossini, un duo de Mercadanti, les refrains d'une barcarole, les symphonies de Beethoven. La sonorité des canaux fait de Vénise la ville la plus propre à retentir de chansons.
La physionomie du gondolier a un caractère de finesse mielleuse; ils ont l'esprit subtil et pénétrant; les gondoliers des particuliers portent des vestes rondes de toile anglaise, imprimée à grands ramages de diverses couleurs. Les dandis, comme ceux de Londres, se donnent le divertissement de conduire une petite barque sur les canaux; c'est pour eux ce que l'exercice du cheval est pour ceux de Paris: leur costume est gracieux, une veste fond blanc, à dessins de Perse, un pantalon blanc, un ceinturon bleu; un bonnet de velours noir: nonchalamment couchés dans des gondoles découvertes, ils s'approchent gracieusement des croisées pour admirer les beautés sensibles qui se mettent aux fenêtres. On trouve des hommes du peuple, à Vénise, qui n'ont jamais été d'un quartier à l'autre.
Un gondolier ne possède souvent qu'un pantalon, sa chemise et sa pipe; quelquefois un petit chien qui nage à côté de sa gondole avec l'agilité d'un poisson; il a en outre la Madone de son traguetti tatouée sur la poitrine, avec une aiguille rouge et de la poudre à canon; il a son patron sur un bras, et sa patronne sur l'autre. Quand une ou deux courses, dans la matinée, ont assuré l'entretien de son estomac et de sa pipe, il s'endort le ventre au soleil.
La fabrique de chaînes d'or mérite sa renommée.
M. Manille, dernier de la famille des Doges, mène une vie privée, et n'attire pas plus les regards que le plus ordinaire citoyen.
Ceux qui aiment à lire les journaux, en trouvent plusieurs au café
Florian, place Saint-Marc.
Le gouvernement autrichien grève d'impôts sa conquête; d'abord l'impôt fixe pour le foncier est de vingt-cinq pour cent sur le revenu, puis, avec les taxes surérogatoires, l'impôt s'élève à cinquante pour cent du revenu: on achète alors la propriété, en conséquence de toutes ses charges, à-peu-près quatre et demie pour cent.
Les rues étant étroites, l'arrivée soudaine des gondoles contribuait à rendre important le carnaval et à lui donner une grande renommée; mais depuis que le lion de l'Allemagne, avec sa crinière, s'est installé sur ces îles enchantées, la magie du carnaval s'est évanouie; il est fort peu de chose; il ne reste plus que son ancienne réputation de fêtes et de plaisirs.
Les édifices sacrés y sont très-beaux; nous avons été visiter les églises Saint-Moyses, Saint-Fantin et Saint-Zacharie, où est le Tableau de la Sacrée-Famille, par Jean Belineau, et la belle fresque du Paradis, par Rio; enfin l'église Saint-Martin, et, dans l'île de Saint-Michel, la belle église bâtie des deniers d'une courtisane appelée Marguerite Emiliani, richesses qu'elle avait amassées dans sa jeunesse voluptueuse et qu'elle employa, à la fin de ses jours, à cette oeuvre de piété.
Dans l'île Saint-Nicolas, on voit un puits d'eau douce qui croît et décroît, suivant le flux ou le reflux de la mer.
Les Vénitiens ont de beaux meubles et tout ce qui peut contribuer à la sensualité et à la mollesse.
La place Saint-Marc est constamment couverte de pigeons qui voltigent amoureusement et font leurs nids sur les toits de plomb; personne n'est en guerre avec eux: sur les deux heures, ils viennent ponctuellement chercher la nourriture qu'une dame riche leur a léguée en mourant.
Nous flânions sur la place Saint-Marc; nous vîmes sortir, d'un des plus brillants cafés, un joli cavalier qui avait l'air d'aller à la rencontre des aventures: il était décoré de longues moustaches, comme le sont les chefs-d'oeuvres de Raphaël et de Michel-Ange; il avait un cigaro, et à la main le jonc du fashionnable; il nous a abordés d'un air de connaissance: nous cherchons alors à dévisager ce gentil Mustapha; nous reconnûmes le très-recueilli pasteur de Saint-Pétersbourg, que nous avions eu occasion de voir plusieurs fois à Rome, sous l'habit pénitent et apostolique; mais, dégagé de toute forme mystique, il était ainsi travesti en voyageant, pour mieux pénétrer dans le dédale des moeurs.
À la porte de l'Arsenal, on aperçoit deux lions de grandeur colossale, transportés d'Athènes, une belle lionne, également en marbre, est auprès: l'Arsenal a trois mille pieds carrés, et possède l'armure d'Henri IV, don que ce prince avait fait à la république de Vénise.
Il existe aussi un dépôt de mendicité et un corps de pompiers. Un homme, dans la grande tour en face de l'horloge dont nous avons parlé, qui est couverte de marbre et qui marque les saisons et les signes du Zodiaque, est toujours de garde pour sonner le tocsin, au besoin et en cas d'incendie.
La révérence vénitienne est fort différente de la nôtre; quand ils abordent quelqu'un pour le saluer, ils se baissent lentement pour marquer plus de modestie et de respect, et restent longtemps dans cette posture, faisant mille protestations de service et de dévoûment.
Le long du canal de la Giudecca, on voit deux colonnes en marbre apportées de Constantinople.
Sur la Place de l'Hôpital, est une statue colossale, en bronze, du général de la république, Bartolemeo Colcona, monté sur un beau cheval du même métal.
Partout des citernes reçoivent de l'eau de pluie pour boire et pour laver.
Nous avons visité une seconde fois l'église de Saint-Jean et de Saint-Paul; on y voit un beau tableau du Tintoret, représentant trois sénateurs qui implorent la Vierge, contre la peste: dans une chapelle contiguë est une sculpture en marbre magnifique, de Psonari, dont le sujet est la Nativité. L'église des Jésuites possède une chaire toute en marbre ainsi que les rideaux, si bien imités, qu'on croit que ce sont des draperies; le beau tableau de l'Assomption est du Tintoret, et l'autel entier est en lapis lazuli.
L'église du Cimetière et les tombeaux méritent aussi d'être explorés.
Dans l'ancienne Vénise, on remarque l'église de Saint-Pierre; c'est de ce côté, appelé le bourg de Maran, que l'on fait les glaces, les perles; que l'on mange les meilleures huîtres: on compte six fabriques de perles, dirigées par un Français; il faut le dire, notre industrie pénètre
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